Le surbooking

Introduction

Il vous est peut-être déjà arrivé d’entendre une annonce à l’aéroport disant qu’il n’y a plus assez de places dans l’avion, alors que vous aviez acheté votre billet. C’est ce qu’on appelle le surbooking. Les compagnies aériennes vendent parfois plus de billets que de sièges disponibles, car elles savent qu’une partie des passagers ne viendra pas. Mais comment décident-elles du nombre de billets à vendre sans prendre trop de risques ? C’est là que les mathématiques, et en particulier les probabilités, entrent en jeu.

I. Comprendre le phénomène de surbooking

1. Le principe du surbooking

Le surbooking consiste à vendre plus de billets que de places réellement disponibles.

Exemple : un avion possède [math]180[/math] sièges, mais la compagnie vend [math]190[/math] billets.

?
Pourquoi cela peut-il avoir du sens ? 🤔

Parce qu’une fraction des clients ne se présente pas à l’embarquement : ce sont les no-shows.

On modélise ce phénomène en posant :

  • [math]n[/math] = nombre de billets vendus (ex. [math]n=190[/math]) ;
  • [math]p[/math] = probabilité qu’un passager se présente ;
  • [math]1-p[/math] = probabilité d’être absent (taux de no-show).

Si l’on suppose que chaque passager décide indépendamment, alors le nombre de présents suit une loi binomiale :

X \sim \mathcal{B}(n,p).

Cette modélisation permet de quantifier :

  • l’effectif moyen attendu à l’embarquement : [math]\mathbb{E}[X]=np[/math] ;
  • la variabilité autour de cette moyenne : [math]\mathrm{Var}(X)=np(1-p)[/math], et son écart-type : [math]\sigma=\sqrt{np(1-p)}[/math].

Exemple. Si [math]n=190[/math] et [math]p=0{,}95[/math] (5 % d’absents en moyenne), alors : [math]\mathbb{E}[X]=190\times 0{,}95=180{,}5[/math] (on s’attend à ~ 180,5 présents) et [math]\sigma=\sqrt{190\times 0{,}95\times 0{,}05}\approx 3{,}0[/math].

2. Les enjeux pour les compagnies

Le surbooking met en tension profit et risque.

L’entreprise doit choisir [math]n[/math] (nombre de billets à vendre) pour :

  • maximiser la recette attendue (plus de billets vendus, moins de sièges vides),
  • tout en contrôlant le risque de surcapacité (probabilité [math]\mathbb{P}(X>S)[/math] et coût associé).

Avec l’exemple. Pour [math]S=180[/math], [math]n=190[/math], [math]p=0{,}95[/math], on a [math]\mathbb{E}[X]=180{,}5[/math] et [math]\sigma\approx 3[/math]. Cela suggère que les dépassements au-delà de 180 sont possibles mais “modérés” (quelques unités typiquement), d’où un coût parfois non nul. La compagnie choisira [math]n[/math] de sorte que la probabilité [math]\mathbb{P}(X>180)[/math] reste sous un seuil cible (ex. 5 %) fixé par sa politique de service et la réglementation.

II. Modélisation mathématique du surbooking

1. Probabilités et loi binomiale

On note [math]X[/math] le nombre de passagers présents à l’embarquement.

Hypothèses :

  • Chaque passager vient avec probabilité [math]p[/math], n’indépendamment des autres.
  • Alors [math]X \sim \mathcal{B}(n,p)[/math].

Paramètres utiles :

  • Espérance : [math]\mathbb{E}[X]=np[/math] (moyenne attendue de présents).
  • Variance : [math]\mathrm{Var}(X)=np(1-p)[/math], écart-type [math]\sigma=\sqrt{np(1-p)}[/math] (mesure de la dispersion).

Objectif pratique : évaluer la probabilité d’être à l’aise (au plus 180 présents) ou en surcapacité (plus de 180).

  • Probabilité «tout le monde assis» : [math]\mathbb{P}(X\le S)=\mathbb{P}(X\le 180)[/math].
  • Probabilité de refuser des passagers : [math]\mathbb{P}(X>S)=\mathbb{P}(X\ge 181)[/math].

Ici la moyenne [math]180{,}5[/math] est très proche du seuil [math]180[/math] et [math]\sigma\approx 3[/math]. On s’attend donc à être en surcapacité environ une fois sur deux avec [math]n=190[/math].

Interprétation :

  • Avantage de [math]n=190[/math] : on remplit très souvent l’avion.
  • Inconvénient : la probabilité de refus (indemnisation, ré-acheminement) est élevée.

2. Optimisation du nombre de billets vendus

On veut choisir [math]n[/math] pour maximiser les recettes (remplir l’avion) tout en limitant le risque de refuser des passagers.

a. Formuler une contrainte de risque

On se fixe un seuil de tolérance (politique interne, qualité de service), par exemple : [math]\mathbb{P}(X>S)\le 5% \quad\text{(au plus 5 % de vols en surcapacité)}[/math].

Avec [math]X\sim \mathcal{B}(n,0{,}95)[/math] et [math]S=180[/math], on cherche [math]n[/math] tel que : [math]\mathbb{P}(X\ge 181)\le 0{,}05.[/math]

Méthode pratique :

  • Soit on utilise la somme binomiale sur la calculatrice (exact).
  • Soit on emploie une approximation normale (utile pour estimer rapidement).

Approximation normale (avec correction de continuité)

Quand [math]X\sim\mathcal{B}(n,p)[/math] avec [math]n[/math] grand, on peut approximer [math]X[/math] par une loi normale [math]\mathcal{N}(\mu,\sigma^2)[/math] avec

  • [math]\mu=np[/math],
  • [math]\sigma=\sqrt{np(1-p)}[/math].

Alors :

\mathbb{P}(X\leq k)\approx \Phi\left(\dfrac{k+0,5-\mu}{\sigma}\right).

(c’est la correction de continuité).

Ainsi dans notre cas,

\mathbb{P}(X\le 180)\approx \Phi\Big(\dfrac{180{,}5-\mu}{\sigma}\Big),

donc

\mathbb{P}(X>180)\approx 1-\Phi\Big(\dfrac{180{,}5-\mu}{\sigma}\Big).

On impose :

1-\Phi\Big(\dfrac{180{,}5-\mu}{\sigma}\Big)\le 0{,}05 \iff \dfrac{180{,}5-\mu}{\sigma}\ge 1{,}645.

Ici, 1,645 est la valeur seuil de la loi normale centrée réduite qui correspond à 95 % de probabilité d’être en dessous.

En posant [math]\mu=0{,}95n[/math] et [math]\sigma=\sqrt{0{,}95\times 0{,}05n}=\sqrt{0{,}0475n}[/math], l’inégalité devient :

\dfrac{180{,}5-0{,}95n}{\sqrt{0{,}0475,n}}\ \ge\ 1{,}645.

Une résolution numérique donne environ :

\mu\approx 175{,}6\text{ donc }n\approx \dfrac{175{,}6}{0{,}95}\approx 185.

Conclusion :

  • Pour respecter [math]\mathbb{P}(X>180)\le 5%[/math], un choix prudent est [math]n=185[/math] billets.
  • À l’inverse, [math]n=190[/math] donne un risque proche de 50 %, trop élevé si l’objectif est 5 %.

b. Comparer les options (recette vs risque)

Option A : [math]n=185[/math] (prudent)

  • [math]\mathbb{E}[X]=185\times 0{,}95=175{,}75[/math] (en moyenne ~ 176 présents).
  • Risque de refus ≈ ≤ 5 % (par construction).
  • Plus de sièges vides en moyenne (≈ 4 à 5), mais peu d’indemnisations.

Option B : [math]n=190[/math] (agressif)

  • [math]\mathbb{E}[X]=180{,}5[/math] (très proche de la capacité).
  • Risque de refus ≈ 50 %.
  • Avion souvent plein, mais indemnisations fréquentes.
?
Comment décider ?

Si le coût unitaire d’indemnisation est [math]C[/math] et la recette nette par billet supplémentaire est [math]R[/math], on compare : le gain attendu à vendre [math]n-S[/math] billets de plus, au coût attendu des refus : [math]C \cdot \mathbb{E}\big[(X-S)_+\big][/math].

III. Ouvertures possibles

Le raisonnement appliqué au surbooking ne concerne pas que l’aviation.

  • Dans l’hôtellerie, il est courant de réserver plus de chambres que disponibles, car certains clients annulent au dernier moment.
  • Dans les spectacles ou événements sportifs, les organisateurs doivent aussi gérer le risque de places vides ou au contraire de refus de spectateurs.
  • Plus largement, on retrouve ce même dilemme dans la théorie des files d’attente : comment gérer un nombre limité de ressources (places, machines, services) face à une demande incertaine ?

Enfin, cette réflexion ouvre sur une question plus générale : comment les mathématiques permettent-elles d’optimiser face à l’incertitude ?

  • Dans l’économie, on parle de gestion du risque et d’optimisation des ressources.
  • En sciences, on utilise les probabilités pour prévoir des phénomènes (météo, épidémies).
  • Dans la vie quotidienne, on fait aussi des choix en fonction de probabilités implicites (partir plus tôt pour «avoir de la marge», souscrire une assurance, etc.).

Conclusion

Le surbooking est donc un exemple concret et parlant : il montre comment une situation de la vie réelle peut être traduite en langage mathématique pour prendre de meilleures décisions.

On espère que ce sujet vous aidera, et que vous saurez l’exploiter au mieux pour briller à votre épreuve !

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