Le Dobble

Introduction
Vous connaissez sûrement le jeu Dobble : on retourne deux cartes et, à chaque fois, il y a toujours un symbole en commun. On pourrait croire que c’est juste un hasard bien conçu, mais en réalité, il y a des mathématiques très précises derrière. C’est ce que je vais vous montrer 🙂
I. Mini-Dobble à 7 cartes : incidence et vérifications concrètes (ordre 2)
L’idée est de commencer par un exemple réduit de Dobble : 7 cartes avec 7 symboles seulement. Cela permet de visualiser et de prouver les propriétés sans se perdre dans la complexité du vrai jeu.
1. Mise en place : la matrice d’incidence
On considère 7 cartes et 7 symboles, que l’on note [math]A, B, \dots, G[/math].
Pour représenter la répartition des symboles sur les cartes, on utilise une matrice d’incidence [math]M\in{0,1}^{7\times 7}[/math] :
- chaque ligne correspond à un symbole,
- chaque colonne correspond à une carte,
- [math]M_{i,j}=1[/math] si le symbole [math]i[/math] est présent sur la carte [math]j[/math], et [math]0[/math] sinon.
Dans ce mini-Dobble, chaque carte contient exactement 3 symboles, et chaque symbole apparaît exactement sur 3 cartes.
On a donc les propriétés :
\sum_i M_{i,j}=3 \quad \text{(3 symboles par carte)},
\sum_j M_{i,j}=3 \quad \text{(3 cartes par symbole)}
La règle du Dobble s’écrit joliment avec le produit scalaire :
si l’on prend deux colonnes [math]c\neq c'[/math], leur produit scalaire vaut toujours 1 :
\langle M_{\bullet c},M_{\bullet c'}\rangle = 1.
Autrement dit, deux cartes distinctes ont exactement un symbole en commun.
2. Lecture géométrique : le plan projectif d’ordre 2 (plan de Fano)
Ce mini-Dobble correspond exactement au plan de Fano, qui est le plus petit exemple de plan projectif (d’ordre 2).

Un plan projectif repose sur trois axiomes fondamentaux :
- Toute paire de lignes se coupe en un point unique.
- Par toute paire de points passe exactement une ligne.
- Il existe 4 points tels que pas plus de deux d’entre eux ne soient alignés (condition de non-dégénérescence).
On peut faire la correspondance suivante :
- Point = symbole ;
- Ligne = carte.
On obtient alors la structure suivante :
- 7 points, 7 lignes,
- 3 points sur chaque ligne,
- 3 lignes passant par chaque point.
Cela correspond exactement aux propriétés du mini-Dobble.
Une conséquence intéressante : si l’on choisit 3 points (donc 3 symboles) qui n’appartiennent pas à une même ligne, alors il n’existe aucune carte qui les regroupe.
Au passage, n’hésitez pas à aller regarder la vidéo ci-dessous qui illustre bien ce sujet sous forme vidéo :
II. Théorie générale : du mini-Dobble aux plans projectifs d’ordre [math]n[/math]
L’exemple du mini-Dobble à 7 cartes correspond au plan projectif d’ordre 2. On peut maintenant généraliser cette idée à un plan projectif d’ordre [math]n[/math].
1. Axiomes et paramètres
Un plan projectif d’ordre [math]n[/math] est une structure combinatoire qui respecte les axiomes :
- Toute paire de lignes se coupe en un point unique.
- Par toute paire de points passe une unique ligne.
- La structure n’est pas dégénérée (il existe au moins 4 points dont pas plus de deux ne sont alignés).
De ces axiomes découlent les paramètres suivants :
- Nombre total de points (et de lignes) :
[math]v = n^2+n+1[/math]. - Nombre de points par ligne (et de lignes par point) :
[math]k = r = n+1[/math]. - Toute paire de points est sur une unique ligne :
[math]\lambda = 1[/math].
2. Vue matricielle
On peut traduire tout cela dans une matrice d’incidence [math]M \in {0,1}^{v \times v}[/math], où les lignes représentent les points et les colonnes représentent les lignes (ou cartes, dans le langage Dobble).
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