Le paradoxe des anniversaires

Introduction

On a tous déjà entendu quelqu’un dire : «Quelle coïncidence, deux personnes dans la même classe ont le même anniversaire !». Intuitivement, on se dit que c’est rare : après tout, il y a 365 jours possibles dans l’année. Pourtant, les mathématiques montrent que cette intuition est trompeuse.

C’est ce qu’on appelle le paradoxe des anniversaires : avec seulement 23 personnes dans une salle, il y a déjà plus d’une chance sur deux que deux d’entre elles partagent la même date. Un résultat surprenant, qui illustre parfaitement comment les probabilités peuvent aller à l’encontre de nos intuitions.

I. Le paradoxe et sa modélisation

1. Présentation intuitive du paradoxe

À première vue, il paraît très improbable que deux personnes dans une même classe aient exactement le même anniversaire.

Une intuition naïve serait de raisonner ainsi :

  • Il y a [math]365[/math] jours dans l’année.
  • La moitié de [math]365[/math] vaut environ [math]183[/math].
  • Donc, on pourrait penser qu’il faut environ 183 personnes pour avoir 50 % de chances qu’au moins deux partagent la même date d’anniversaire.

Pourtant, la réalité est tout autre : il suffit de 23 personnes seulement pour dépasser les 50 %.

C’est ce résultat surprenant qui fait parler de «paradoxe» : nos intuitions sur les probabilités sont souvent trompeuses.

Problème mathématique posé :

?
Dans un groupe de [math]n[/math] personnes, quelle est la probabilité que au moins deux aient le même anniversaire ?

2. Mise en équation du problème

Plutôt que de calculer directement la probabilité d’avoir au moins deux anniversaires identiques, il est plus simple de passer par l’événement complémentaire :

Calculer la probabilité que tous les anniversaires soient différents.

  • La première personne peut avoir son anniversaire n’importe quel jour : [math]365[/math] possibilités sur [math]365[/math].
  • La deuxième doit avoir un anniversaire différent : [math]364[/math] possibilités sur [math]365[/math].
  • La troisième : [math]363/365[/math], etc.
  • La [math]n[/math]-ième personne : [math]365-n+1/365[/math].

On obtient donc :

P(\text{tous différents}) = \frac{365}{365} \times \frac{364}{365} \times \frac{363}{365} \times \cdots \times \frac{365-n+1}{365}.

Ainsi, la probabilité recherchée est :

P(\text{au moins deux identiques}) = 1 - P(\text{tous différents}).

Exemples numériques :

  • Pour [math]n = 2[/math] :
    [math]P(\text{au moins deux identiques}) = 1 – \frac{365}{365}\cdot \frac{364}{365} \approx 0{,}27%[/math].
    Très faible : il est peu probable qu’un couple de personnes partagent le même anniversaire.
  • Pour [math]n = 23[/math] :
    [math]P(\text{au moins deux identiques}) \approx 50{,}7%[/math].
    Incroyable : avec seulement 23 personnes (taille moyenne d’une classe), il y a déjà une chance sur deux qu’un doublon apparaisse.
  • Pour [math]n = 60[/math] :
    [math]P(\text{au moins deux identiques}) \approx 99{,}4%[/math].
    Quasi certitude : dans une salle de 60 personnes, il est presque impossible qu’il n’y ait pas deux anniversaires identiques.

C’est ce contraste entre intuition trompeuse (il faudrait beaucoup de monde) et réalité mathématique (23 suffisent) qui fait tout l’intérêt du paradoxe des anniversaires.

Voici une petite vidéo à visionner pour comprendre pas à pas le raisonnement 🙂

II. Outils mathématiques pour comprendre le paradoxe

1. Approximations et calcul pratique

La formule exacte pour la probabilité que tous les anniversaires soient différents est :

P(\text{tous différents}) = \frac{365}{365} \times \frac{364}{365} \times \frac{363}{365} \times \cdots \times \frac{365-n+1}{365}.

Ce produit est difficile à calculer directement quand [math]n[/math] devient grand.

Pour simplifier, on prend le logarithme :

\ln \big(P(\text{tous différents})\big) = \ln \left( \prod_{k=0}^{n-1} \frac{365-k}{365} \right).

En développant, on obtient :

\ln \big(P(\text{tous différents})\big) = \sum_{k=0}^{n-1} \ln\left(1 - \frac{k}{365}\right).

Or, pour [math]x[/math] petit, on sait que :

\ln(1-x) \approx -x.

Donc :

\ln \big(P(\text{tous différents})\big) \approx - \sum_{k=0}^{n-1} \frac{k}{365}.

La somme est une somme arithmétique :

\sum_{k=0}^{n-1} k = \frac{n(n-1)}{2}.

Ainsi :

\ln \big(P(\text{tous différents})\big) \approx -\frac{n(n-1)}{2 \cdot 365}.

En exponentiant :

P(\text{tous différents}) \approx e^{-\frac{n(n-1)}{2 \cdot 365}}.

Donc :

P(\text{au moins deux identiques}) \approx 1 - e^{-\frac{n(n-1)}{2 \cdot 365}}.

Exercice numérique : cas [math]n=23[/math].

On calcule :

\frac{n(n-1)}{2 \cdot 365} = \frac{23 \times 22}{730} = \frac{506}{730} \approx 0{,}693.

Donc :

P(\text{tous différents}) \approx e^{-0{,}693} \approx 0{,}50.

Et donc :

P(\text{au moins deux identiques}) \approx 0{,}50

ce qui confirme le paradoxe : avec seulement 23 personnes, la probabilité dépasse bien 50 %.

2. Généralisation du paradoxe

On peut généraliser le problème : supposons que l’on dispose de [math]N[/math] «cases» possibles (par exemple : 365 jours, 12 mois, ou n’importe quel nombre de catégories).

Alors la probabilité d’avoir au moins une collision (deux personnes dans la même case) dépasse 50 % lorsque :

n \approx \sqrt{2N \ln 2}.

Pour [math]N = 365[/math], on obtient :

n \approx \sqrt{2 \times 365 \times \ln 2} \approx 22{,}5.

Ce qui correspond bien au seuil pratique de 23 personnes.

Pour une version simplifiée avec seulement les mois de l’année ([math]N=12[/math]) :

n \approx \sqrt{2 \times 12 \times \ln 2} \approx 4{,}1.

Donc avec seulement 5 personnes, il y a déjà plus de 50 % de chances que deux aient leur anniversaire le même mois.

?
Super intéressant non ? 😀

III. Applications et prolongements

1. En cryptographie et en informatique

Le paradoxe des anniversaires n’est pas qu’un jeu de probabilités, il a des applications très sérieuses en informatique et en sécurité numérique.

En cryptographie, on utilise des fonctions de hachage qui transforment un message (mot de passe, fichier…) en une suite de bits de longueur fixe. Ces fonctions doivent être résistantes aux collisions, c’est-à-dire qu’il soit très difficile de trouver deux messages différents ayant le même code de hachage.

Le paradoxe des anniversaires permet de comprendre pourquoi les collisions apparaissent beaucoup plus tôt qu’on ne l’imagine.

  • Si une fonction de hachage produit [math]N[/math] valeurs possibles (par exemple, [math]N=2^{128}[/math] pour un hash de 128 bits), on pourrait croire qu’il faut environ [math]N[/math] essais pour trouver une collision.
  • En réalité, à cause du paradoxe, une collision devient probable dès qu’on a environ :
n \approx \sqrt{N}.

Exemple concret :

  • Pour un hash de 128 bits, il y a [math]N = 2^{128}[/math] valeurs possibles.
  • Le nombre d’essais nécessaires pour avoir une bonne chance de collision est donc environ : [math]n \approx \sqrt{2^{128}} = 2^{64}. [/math]

Autrement dit, il ne faut pas [math]2^{128}[/math] essais, mais seulement [math]2^{64}[/math], ce qui change complètement l’échelle de difficulté.

Ce résultat explique pourquoi les fonctions de hachage doivent utiliser de grandes tailles (comme 256 bits), afin que [math]\sqrt{N}[/math] reste astronomique et donc inaccessible aux attaquants.

2. Enseignements mathématiques et philosophiques

Au-delà de l’anecdote, cela rappelle deux choses importantes :

  • Notre intuition des probabilités est souvent trompeuse.
  • Les mathématiques sont indispensables pour évaluer correctement les risques et prendre des décisions.

Que ce soit en épidémiologie (probabilité de contagion), en assurance (probabilité d’accidents) ou en cybersécurité (risque de collisions), les maths permettent de nous éclairer dans des situations contre-intuitives.

Conclusion

Le paradoxe des anniversaires montre que, face à l’incertitude, seule la rigueur mathématique permet d’éviter les illusions. C’est une belle démonstration de la puissance des probabilités dans la vie réelle.

On espère que ce sujet vous aidera, et que vous saurez l’exploiter au mieux pour briller à votre épreuve !

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